13/04/2010
_Une lecture de la science-fiction_
Une lecture de la science-fiction : Automne 1977 : Revue Opus International #64 : pas d'ISBN (titre presse) : 96 pages : coûtait 20 F pour une revue cartonnée copieusement illustrée (en N&B seulement pour la partie SF) qui a longtemps été disponible neuve chez les soldeurs.
Cet ouvrage est donc un numéro "Spécial SF" d'une revue (Opus International) d'art basée à Paris et liée aux éditions Georges Fall. Périodiquement, des revues de divers domaines (mais souvent artistique) décident de consacrer un de leurs numéros à la SF. On se rappellera des tentatives des revues Europe (tendance littéraire), Phosphore (pour lycéens) ou Revue de la BNF (comme son nom l'indique). D'une façon similaire à ce numéro, il est à noter que dans ces cas de figure, la partie SF est souvent minoritaire et s'apparente plus à un gros dossier.
La section consacrée à la SF dans cette revue comporte une dizaine d'article et remplit une quarantaine de pages. On y trouve la plupart des plumes françaises qui comptaient, chacune dans leur domaine de prédilection : Eizykman sur la BD, Louit sur le cinéma, Lecomte sur les femmes dans le genre, Guiot sur la politique, Klein sur la SF US (une synthèse de son fameux article Malaise dans la science-fiction), Goy sur les rapports entre science et SF, Goimard sur la SF soviétique, Curval sur les structures romanesques, Lemaire sur William Burroughs. A cela s'ajoute une courte interview de Ballard. L'ensemble est illustré par des couvertures (Fiction, Galaxie), des planches de BD ou des photographies de films (pour les articles qui leur sont dédiés) et des illustrations intérieures repiquées chez Sadoul (Hier l'an 2000) ou Aldiss (Graphismes SF).
Malgré la qualité indéniable des intervenants (c'est le dessus du panier du petit monde de la SF de l'époque), je ne suis jamais vraiment séduit ni surtout convaincu par ce type d'exercice imposé qui vise à présenter la SF à un public néophyte en quelques articles joliment illustrés. C'est à la fois forcément beaucoup trop schématique (comme Lecomte expédiant l'histoire de la participation féminine au genre en une dizaine de lignes) et surtout empreint d'une certaine attitude "honteuse" de la part de pratiquants du genre ("Regardez ce que l'on aime, c'est un peu débile ou infantile, mais cela nous plaît quand même."). Au lieu de textes militants, on a souvent une sorte d'auto ironie (Goy assassinant La tour de verre de Silverberg sous l'angle scientifique -le tout sans avoir vérifié la VO-) ou une sorte d'obligation de ressortir tous les clichés existant sur le genre (comme cette imagerie sexuelle évoquée à longueur de légendes à propos des illustrations).
Une telle attitude ne peut juste que renforcer les clichés véhiculés sur la SF. Non pas que cela ait une quelconque importance (la réputation du genre étant AMHA simplement irrécupérable, ce qui n'est d'ailleurs pas pour me déplaire) mais c'est juste une perte de temps et d'énergie, choses qui auraient pu être mieux utilisées ailleurs. Par exemple pour nettoyer le texte des nombreuses coquilles qui restent (M. Freas, Flat Land, Zeena Hendeson, Margareth St Clair) ou vérifier un peu ce que l'on écrit (comme le fait de dater de 1959 une illustration où s'affiche en toutes lettres un superbe Oct. 1939). Au final un dossier sans originalité, trop léger pour l'amateur et juste bon à conforter les préjugés sur le genre malgré quelques maladroites tentatives de récupération (Borges, Burroughs, Ballard).
Note GHOR : 1 étoile
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12/04/2010
_Learning from other worlds : Estrangement, cognition, and the politics of science fiction and utopia_
Learning from other worlds : Estrangement, cognition, and the politics of science fiction and utopia : Patrick PARRINDER (editor) : 2000 : Liverpool University Press (collection "Liverpool science fiction texts and studies" #10) : ISBN-10 0-85323-584-8 : viii+312 pages (y compris bibliographie et index) : coûte 20 GBP pour un TP non illustré, probablement disponible en neuf chez l'éditeur, existe en HC (-574-0).
Comme il le dit dans son introduction, la tâche que s'est fixé Patrick Parrinder (un habitué auquel on doit plusieurs autres ouvrages de référence britanniques) est de rassembler des écrits critiques sur la SF dont le point commun est de s'articuler à partir des concepts mis au point par Darko Suvin. Ce dernier est, pour ceux qui l'ont oublié, un des grands noms de la théorie de la SF, célèbre par sa définition de celle-ci comme littérature du "cognitive estrangement" et un des spécialistes de l'Utopie. Parrinder a donc regroupé un large panel de spécialistes du genre (y compris notre Gérard Klein) dans ce projet.
Ce recueil d'essais rassemble donc une dizaine de textes de longueur assez variable (de moins de dix à plus de trente pages) qui sont rassemblées en deux grandes parties. La première est plus concentrée sur les rapports entre Utopie et SF (un des dadas de Suvin) avec des textes de marxistes classiques et d'experts du premier genre (Moylan). La seconde est plus variée puisque la contrainte semble avoir simplement été de parler de SF en gardant l'inspiration Suvinienne. On a donc (entre autres) un texte sur The war of the worlds ou la série Mars de KSR (Jameson), une biographie de Wyndham (Ketterer) ou une étude sur Lem. Après une postface de Suvin himself, on trouve un bibliographie de ses écrits (uniquement ceux en rapport avec la SF), une bibliographie copieuse et un index. Il me semble que les essais soient inédits (certains comme le Jameson seront repris ultérieurement dans d'autres ouvrages), mais rien ne l'affirme vraiment.
La première partie du livre est à l'image des livres de Suvin (hélas), c'est à dire intellectuellement brillante mais ennuyeuse au possible à la lecture, à la fois par un discours assez aride et une focalisation excessive sur des textes antédiluviens qui ne sont même pas de la proto-SF mais carrément de la paléo-SF. La seconde partie est plus vivante mais souffre d'un choix de thèmes d'un conformisme académique à faire peur puisque l'on évoque, ô surprise, des auteurs aussi convenus que Wells, Lem, Robinson ou Le Guin. Ce n'est pas l'insignifiant texte de Klein (huit pages) sur les images de la science avec force mots grecs (eikons & eidons) qui va rattraper le tout.
Malgré ces flots d'ennui, un certain nombre de choses sont à sauver dans ce recueil. Le texte de James sur la préhistoire de la réflexion sur la SF est intéressant et aborde une période de l'étude du genre (l'avant-Suvin si l'on veut) assez peu étudiée sur un plan historique. Le texte de Ketterer sur Wyndham est le fruit d'une recherche impeccable (comme d'habitude) et éclaire grâce à ses éléments biographiques une oeuvre qui mérite peut-être que l'on s'attarde dessus. La bibliographie de Suvin peut aussi se révéler un outil pratique. Au final, un ensemble malgré tout assez terne qui est loin de valoir les 50 GBP de la version HC.
Note GHOR : 1 étoile
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06/04/2010
_Joe Haldeman_
Joe Haldeman : Joan Gordon : 1980 : Starmont (série "Reader's guide" #4) : ISBN-10 0-916732-06-1 : 64 pages (y compris bibliographies et index) : coûtait 10 USD pour TP peu solide et peu facilement trouvable en occase, existe aussi en HC (-15-0).
Ce court fascicule fait partie de la série de monographies d'auteurs de SF publiées par Starmont. A noter que, au vu de divers détails, il s'agit là d'une réimpression à l'identique (hormis la couverture et bien sûr le prix) tardive d'un des premiers volumes de la collection. Il est donc consacré à Joe Haldeman, un auteur présent dans le paysage de la SF depuis les années 70 et dont l'oeuvre majeure et la plus connue (qui a raflé le Hugo et le Nebula) est évidemment The forever war, célèbre roman anti-militariste basé sur son expérience de combattant dans la guerre du Viêt-Nam. C'est d'ailleurs sans doute cette notoriété qui lui a valu si rapidement (moins de 10 ans entre son premier texte et cette étude) d'avoir un volume qui lui soit consacré.
Ce livre est divisé en une dizaine de courts chapitres, suivant ainsi l'usage de la série. On trouve successivement une chronologie de la vie de l'auteur (qui s'arrête en 1979), une introduction d'orientation biographique, une suite de plusieurs chapitres consacrés chacun à un titre précis (dans l'ordre : War year, The forever war, Mindbridge, All my sins remembered et Infinite dreams, un recueil), et trois bibliographies annotées (une pour la fiction, une pour la non-fiction et une pour les sources secondaires, essentiellement des critiques dans les revues de SF). Un index termine l'ouvrage.
La première impression à la lecture de cette monographie, est qu'elle vient bien trop tôt dans la carrière de l'auteur. Il est clair que les choses que Haldeman avait à dire ne l'étaient pas encore complètement en 1979 (date de l'écriture de cette étude) comme le montrent ses rajouts à The forever war pour l'amener à une "trilogie thématique" (avec Forever free & Forever peace). Du coup, l'analyse de Gordon donne une malheureuse impression de bâclage qui est surtout due au manque de matière. Pourtant il y a parfois de bonnes analyses menées à partir du texte de l'auteur et un certain nombre d'informations bienvenues sur les conditions de création de certains romans qui sont en fait des fix-ups.
Ce sentiment de précipitation est d'ailleurs renforcé par une qualité du produit assez calamiteuse tant au niveau de la conception (du genre photocopie visible de bouts de documents collées ensemble) que de la réalisation (pages se détachant du reste du livre). Mis en parallèle avec le prix demandé (10 USD pour un TP de 64 pages), on peut être légitiment énervé par un ouvrage d'opportunité. Il n'est d'ailleurs pas sauvé par une bibliographie annotée rachitique (elle donne surtout le résumé des intrigues) et incomplète puisque ne traitant que des premières éditions et négligeant les nouvelles. Dommage pour une réflexion parfois bien menée mais desservie par un emballage médiocre.
Note GHOR : 1 étoile
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02/04/2010
_Jeunesse et science fiction_
Jeunesse et science fiction : Christian GRENIER : 1972 : Magnard (collection "Lecture en liberté") : pas d'ISBN : 122 pages (y compris index) : coûtait quelques Francs pour un TP format à l'italienne, parfois trouvable d'occase.
On ne présente plus Christian Grenier dans le milieu de la SF francophone destinée à la jeunesse. A la fois professeur, auteur et théoricien, il y occupe une place centrale. Cet ouvrage est l'une des premières tentatives de sensibiliser le monde enseignant aux potentialités de la SF en tant qu'instrument de diffusion de la lecture et ce d'autant plus que ce genre était (est ?) l'un des favoris de la jeunesse. Ce type d'ouvrage existe aussi chez les anglo-saxons avec diverses titres ou séries à destination des enseignants et des bibliothécaires, catégories considérées comme regroupant les principaux prescripteurs.
Ce guide se divise en plusieurs parties distinctes. La première ("Science-fiction") se livre au classique jeu de la définition du genre et plus particulièrement de sa composante jeunesse. La deuxième ("Les jeunes") consiste en l'étude d'une enquête menée auprès d'une centaine d'élèves parisiens sur leurs lectures et plus particulièrement sur la Partie SF de celles-ci. La troisième ("Les grands thèmes") déroule les principaux thèmes du genre alors que la quatrième ("Les éditeurs, les collections") fait de même avec l'offre éditoriale existante à l'époque. Enfin, la dernière et plus grosse partie (la moitié du livre) "Sélection" présente, classe (par sous-genre ou par accessibilité), évalue et résume un ensemble de livres choisis par l'auteur. Un index et une (logiquement) très courte bibliographie secondaire clôturent l'ouvrage.
Plus que l'étude sociologique sur les pratiques littéraires des adolescents dont la pertinence éventuelle est annihilée par les quarante ans qui nous séparent de ce livre, le point le plus intéressant de cet ouvrage est le portrait "en creux" qu'il dressait de l'état de la SF pour la jeunesse dans notre pays. Globalement, le constat était à l'époque assez alarmant. En effet, il est frappant de constater que dans la liste de titres proposés par Grenier une bonne moitié sont des ouvrages qui n'ont pas l'étiquette "juvenile" et sont d'ailleurs parus dans des collections pour adultes (OPTA, FN, J'ai Lu, Marabout), certains étant d'une difficulté certaine (Billenium de Ballard ou La nébuleuse Andromède d'Efremov étant parmi les plus marquants dans cette optique).
S'il est vrai que l'on a souvent affirmé que les lecteurs de SF sont plutôt précoces et basculent rapidement sur des oeuvres étiquettées adultes (ou du moins sans préconisation d'âge de lecteur), on pourrait conclure à partir des choix de Grenier qu'il s'agit là d'un état de fait plutôt subi faute d'une offre suffisante (en quantité et/ou en qualité). Ceci contraste défavorablement avec la vitalité du segment des juveniles dans le monde anglo-saxon. Mais là n'est pas le propos de Grenier qui fait de son mieux avec un matériau disponible limité. Au final un livre peu exploitable de nos jours (ne serait-ce que par l'indisponibilité de certains titres) qui vaut surtout par sa photographie d'un passé finalement assez différent qui évoluera d'ailleurs fortement dans les années suivantes.
Note GHOR : 1 étoile
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01/04/2010
_Je suis vivant et vous êtes morts : Philip K. Dick 1928-1982_
Je suis vivant et vous êtes morts : Philip K. Dick 1928-1982 : Emmanuel CARRERE : 1993 : Seuil : ISBN-10 2-02-020173-9 : 358 pages (pas d'index ni de bibliographie) : coûtait 120 FRF pour un TP non illustré, difficile à trouver dans cette version mais qui a été repris en poche chez Points en 1996.
Après son mémoire sur l'uchronie (Le détroit de Behring), ce livre est dû à la plume d'Emmanuel Carrère, une des figures intellectuelles française (romancier, cinéaste, essayiste) et héritier d'un dynastie de penseurs. Aimant s'encanailler dans les sous littératures, il n'en reste pas moins que son choix de P. K. Dick comme sujet d'étude fleure bon le conformisme mental de l'intelligentsia française (un peu de SF pour faire peuple mais pas trop de vaisseaux spatiaux ou de calmars) qui lui a au moins assuré une pleine page dans Télérama (no 2282).
Le livre utilise le canevas standard des biographies avec un structure purement chronologique en vingt-trois chapitres de taille assez homogène mais au rythme variable, les dernières années de la vie de l'auteur (les plus croustillantes) étant les plus développées. La vie de PKD y est racontée par un narrateur invisible qui nous fait parfois partager les pensées de l'auteur. On notera que l'auteur (Carrère) intervient parfois directement dans le cours du récit en nous proposant des apartés ou des petits jeux. A signaler que ce livre ne contient aucune annexe : pas d'index, pas de bibliographie si ce n'est une page de notes.
Comment juger cette "biographie" ? Certes l'écriture de Carrère est sans défaut et le tout est plutôt prenant et intéressant à lire comme portrait d'un illuminé à la vie décousue. Le problème est qu'il tombe (AMHA) dans le travers d'un grand nombre de biopics (un genre dont il est visiblement un véritable précurseur), à savoir que la frontière entre le réel et l'imaginaire est parfois ténue et qu'elle se trouve donc souvent allègrement franchie. Faire son héros plus beau ou plus grand que nature est une réaction normale mais méthodologiquement discutable. Plus gênant à mon sens est l'habitude assez constante de Carrère de se mettre dans la tête de Dick et de nous livrer ses pensées alors qu'aucune source existante ne permet de corroborer ses délires.
Finalement ce livre est plus la vie romancée de Dick telle qu'imaginée par Carrère qu'une biographie visant à une certaine objectivité comme celle de Sutin. C'est d'ailleurs à cette conclusion qu'arrive le chronique de Télérama qui finit par qualifier ce livre comme étant "Un beau roman d'Emmanuel Carrère". Ceci explique du coup la faible présence dans l'ouvrage du monde de la SF dans lequel Dick était tout de même parfaitement immergé. Carrère n'en tire que des effets faciles et ô combien prévisibles (un repaire de marginaux qui lisent des auteurs de seconde zone) et réussit même à raconter n'importe quoi comme quand il attribue à Boucher la célèbre citation de Carr sur la Bible telle qu'elle pourrait être publiée chez Ace. Un titre sans grand intérêt, à mettre donc plutôt dans la catégorie "romans" que dans celle des "essais".
Note GHOR : 1 étoile
07:29 | 07:29 | Biographies & autobiographies | Biographies & autobiographies | Lien permanent | Lien permanent | Commentaires (0) | Commentaires (0) | Tags : français, dick, 1 étoile | Tags : français, dick, 1 étoile